« Mourir sans que personne n’en parle » : En Syrie, un cardinal veut « donner une voix à ceux qui n’en ont pas »

« L’hiver dernier, nous avons vu plusieurs personnes mourir dans la fuite du nord-ouest de la Syrie vers le Nord : des enfants qui sont morts de froid dans les bras de leurs parents, des enfants qui sont morts de malnutrition. »
La guerre en Syrie a fait plus de 500 000 morts et près de 12 millions de déplacés. Une décennie de conflits qui a transformé un pays en « tas de décombres », selon le cardinal Zenari, nonce apostolique en Syrie, qui déplore le silence qui entoure désormais cette guerre.
Auprès de Vatican News, il revient sur le principe de « couverture de silence » énoncé par le Pape pour évoquer la Syrie.
« C’était un peu prévisible : comme tous les conflits qui durent longtemps, à un certain moment ils sont oubliés, les gens n’ont plus d’intérêt à entendre cette nouvelle. Nous sommes donc à un point très, très critique. De plus, la situation au Moyen-Orient s’est compliquée et on parle de moins en moins de la Syrie à un moment où elle souffre vraiment beaucoup. Un écrivain, un journaliste syrien, a écrit il y a quelques mois : ‘De nombreux Syriens sont morts avec différents types d’armes, des bombes à fragmentation aux barils explosifs, en passant par les missiles lancés partout, jusqu’à finir par mourir à cause des armes chimiques. Mais - dit-il - la chose la plus difficile à accepter est de mourir sans que personne n’en parle’. »
Il l’affirme, « ce qui, malheureusement, meurt en Syrie, dans le cœur de différentes personnes, c’est l’espérance ».
« Ce qui, malheureusement, meurt en Syrie, dans le cœur de différentes personnes, c’est l’espérance : beaucoup de gens, après 10 ans de guerre, ne voyant plus de reprise économique, de reconstruction, perdent l’espérance, et cela fait très mal : perdre l’espérance, c’est vraiment perdre quelque chose de fondamental et d’essentiel pour la vie. Nous devons donc essayer de restaurer la confiance, de redonner de l’espérance à ces pauvres gens. »
Quand on lui demande ce qui lui fait « le plus de mal dans ce contexte », le cardinal Zenari pense aux enfants, et aux femmes.
« L’hiver dernier, nous avons vu plusieurs personnes mourir dans la fuite du nord-ouest de la Syrie vers le Nord : des enfants qui sont morts de froid dans les bras de leurs parents, des enfants qui sont morts de malnutrition. Cela fait mal au cœur de voir la souffrance de tant d’enfants et de tant de femmes, dont beaucoup sont veuves et doivent parfois élever une grande famille, huit, dix enfants... Vraiment, c’est une souffrance que l’on ressent très fortement… »
L’homme pointe également la douloureuse question des disparus.
« Les Nations Unies estiment qu’il y a environ 100 000 personnes disparues dont on ne sait rien et, parmi elles, je dois également mentionner deux évêques, les métropolitains orthodoxes d’Alep, et trois prêtres, dont un Italien, le père Paolo [Dall’Oglio], dont on ne sait rien depuis sept ans. Il faut repartir de ces personnes disparues, arrêtées, détenues… »
En octobre dernier déjà, le cardinal dénonçait cette « sortie des radars des médias » alors que ce conflit a engendré « la plus grave catastrophe humanitaire depuis la fin de la Seconde guerre mondiale ».
M.C.
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